Revue Moyen Âge 2021/4

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Description

Christian Auf der Maur, Alissa Cuipers: Giswil, Am Kaiserstuhl : un site d’habitation en mutation. Fosses, maison et four à chaux du sentier muletier de Brünig entre le Moyen Âge et le début de l’époque moderne

Evelyne Marty: « Laicheibli » – Analyse et typologie des « vierges à gratter » issues des fouilles de 2018–2019 sur la place de l’abbaye d’Einsiedeln

 

Giswil, Am Kaiserstuhl : un site d’habitation en mutation. Fosses, maison et four à chaux du sentier muletier de Brünig entre le Moyen Âge et le début de l’époque moderne

Suite au remblayage planifié des déblais du tunnel de la route de contournement de Kaiserstuhl, des recherches archéologiques ont permis de mettre en évidence, dans l’encaissement de la vallée au sud de la ferme Am Kaiserstuhl, des témoignages d’une occupation qui débuta à la fin du Moyen Âge tardif. Près de l’éperon sud du sommet occidental de la colline, des vestiges d’habitat furent mis au jour sous forme de fosses qui contenaient, outre les restes d’un ensemble de céramiques datant autour de 1300 et du XIVe siècle, un fragment d’un ébrasement de fenêtre en grès. L’emplacement de l’habitat se situe vraisemblablement sur la terrasse. Durant la deuxième moitié du XVIe siècle, un incendie détruisit un bâtiment annexe qui devait présenter des murs en torchis. Ce premier habitat est probablement lié à l’aménagement rural de la fin du haut Moyen Âge qui toucha également les régions situées plus haut, à environ 600 m d’altitude.

Plus au sud, les restes du soubassement d’une maison d’habitation construite vers 1600 ont pu être mis au jour. Les murs furent érigés sur les restes aplanis du bâtiment précédent. Il est probable que seule la partie avant de la maison fût dotée d’une fondation, tandis que la partie arrière reposait sur la roche ou sur une couronne murale. Les fouilles ont permis de mettre en évidence une disposition des pièces en trois parties, dont la fonction est difficile à interpréter. La pièce B, située à l’est et dont le sol est recouvert de mortier, peut être envisagée comme boutique ou comme cave à lait. Les récipients en céramique, en métal et en verre indiquent des habitants de classe moyenne pour la région rurale, mais en aucun cas pauvres. Les éléments de coffres et de caissettes donnent un aperçu du mobilier entre le Moyen Âge tardif et le début de l’époque moderne. La proximité du sentier muletier du Brünig se manifeste par la découverte de pièces de monnaie ; la monnaie néerlandaise, en particulier, est une rareté dans nos régions.

L’abandon du bâtiment vers la fin du XVIIe siècle est illustré par l’absence de céramique dotée de décor polychrome ou linéaire au barolet, de décor aux coulures et d’autres types de céramique qui se sont répandus au cours de la seconde moitié du siècle. Les causes possibles de la faible durée d’utilisation du bâtiment sont sa situation en pente favorisant le glissement du soubassement, une construction instable en raison d’une application peu soigneuse du mortier dans la maçonnerie ou encore son emplacement ombragé et venteux. Un démantèlement suivi d’une relocalisation de la construction en bois doit être envisagé compte tenu de la faible épaisseur des couches d’abandon.

Le four à chaux construit au sud de l’habitation semble avoir été utilisé approximativement en même temps que l’abandon de celle-ci, d’après la couche de charbon de bois la plus ancienne datée au carbone 14 dans la chambre de chauffe. Cependant, une édification antérieure du four n’est pas exclue, comme en témoignent les objets datant de l’époque de sa construction.

Les découvertes présentées ici donnent un aperçu d’une époque du canton d’Obwald qui, jusqu’à présent, n’a pu être reconstituée qu’en partie du point de vue archéologique. Elles sont une aubaine pour la recherche sur l’histoire de l’habitat, car elles constituent un support d’information important face aux sources écrites historiques du Moyen Âge tardif et du début de l’époque moderne qui ne reflètent guère les modes de vie et les processus d’habitat locaux.

 

« Laicheibli » – Analyse et typologie des « vierges à gratter » issues des fouilles de 2018–2019 sur la place de l’abbaye d’Einsiedeln

Les « vierges à gratter » qui reproduisent la Vierge noire en argile, firent partie du pèlerinage d’Einsiedeln durant plusieurs centaines d’années. Offertes dans un premier temps aux fidèles dans le monastère, elles étaient également vendues dans les épiceries de la place de l’abbaye. Selon les indications du monastère, d’autres matériaux étaient ajoutés aux vierges à gratter produites par ce dernier afin de leur conférer des vertus curatives.

L’utilisation variée et répandue des « vierges à gratter » témoigne de leur popularité entre le XVIIe et le XXe siècle. Une datation précise s’avère cependant difficile. Elles n’étaient pas seulement utilisées dans le cadre de leur fonction initiale, le grattage, puisqu’elles avaient également la réputation d’être miraculeuses lorsqu’elles étaient enterrées, portées sur le corps ou placées dans la maison. Elles servaient ainsi de remède ou d’objet de protection et relevaient sans doute du domaine des croyances pratiques.

Les nombreuses découvertes faites sur la place de l’abbaye permettent d’étudier systématiquement les « vierges à gratter ». Les impressions situées à l’arrière sont particulièrement révélatrices à cet égard : différents éléments relatifs à Marie ou à Einsiedeln sont combinés de manières variées. De plus, les découvertes peuvent contenir des informations sur le producteur (monastère et villageois). Cependant, comme ces derniers essayaient toujours d’imiter les madones du monastère, il est généralement difficile d’attribuer définitivement les différentes figures. Les « vierges à gratter » d’Einsiedeln constituent donc un groupe de trouvailles présentant un fort potentiel, et malgré les résultats de cet article, des analyses plus approfondies sont prévues et s’annoncent prometteuses.

 

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